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Date : 11 juillet 2023
Rédaction : Cédric Fontaine

ET SI INSTALLER UN RECUPERATEUR D’EAU DE PLUIE POUR ARROSER SON JARDIN ETAIT CONTREPRODUCTIF

Stocker l’eau de pluie en hiver pour arroser lors des périodes de sécheresse est une bonne idée n’est-ce pas ? L’idée de capter l’eau de pluie en hiver pour alimenter le jardin en été est séduisante. Alors que les périodes de sécheresse sont de plus en plus intenses et fréquentes, nous constatons depuis quelques années […]

Noue végétalisée à Rennes

Stocker l’eau de pluie en hiver pour arroser lors des périodes de sécheresse est une bonne idée n’est-ce pas ?

L’idée de capter l’eau de pluie en hiver pour alimenter le jardin en été est séduisante. Alors que les périodes de sécheresse sont de plus en plus intenses et fréquentes, nous constatons depuis quelques années que ces installations sont de plus en plus courantes pour compenser les effets du changement climatique. Si il y a quelques années, la durée entre deux pluies était de 3 semaines, aujourd’hui il n’est pas rare que cette durée soit supérieure à 5 semaines.

Il y a fort à parier que la taille et le nombre de cuves de récupérations d’eau de pluie vont augmenter. Le standard d’un récupérateur sous la gouttière qui est passé de 300 litres (hier) à 500 litres (aujourd’hui) sera de 1000 litres demain. Celui d’une citerne de récupération d’eau enterrée destinée à alimenter l’arrosage de parcelles importantes passera d’une moyenne de 5.000 litres à 10.000 litres. Quant aux collectivités, elles se feront livrer des citernes de plusieurs dizaines (centaines) de mètres cube pour assurer l’entretien de leurs espaces verts.

Nous pourrons nous vanter de nous être adapté au changement climatique et ça, ce n’est pas rien……à moins qu’au contraire nous ne soyons des Don Quichotte de l’eau de pluie.

Récupération des eaux de pluie
Récupération des eaux de pluie

Pluviométrie annuelle en France
Pluviométrie annuelle en France

Et si récupérer l’eau de pluie pour arroser était en fait inefficace ?

Les arrosages ne sont pas remis en cause !

Installer des cuves pour arroser les jardins n’est qu’une solution de court terme qui permet d’éviter de se poser les bonnes questions :

  • Mon jardin est-il adapté aux nouveaux climats rencontrés ?
  • Faut-il continuer à avoir un gazon parfaitement tondu ?
  • Les plantes en pots ont-elles encore un avenir ?
  • ….

Les récupérateurs vendus par milliers d’unités ces derniers jours seront alors contreproductif puisque chacun se dira : « je peux continuer à consommer de l’eau sans restriction puisqu’elle vient maintenant de mon toit ».

L’impact sur la préservation de la ressource est nul !

A court terme, nous pouvons nous rassurer par cette phrase : je protège quand même la ressource !. Malheureusement, du fait que nous sommes en arrêtés sécheresse sur la grande majorité de l’hexagone en ce 24 août, cette phrase est fausse. De nombreux arrêtés sécheresse interdisent l’arrosage des jardins et des espaces verts. Continuer à arroser son jardin en eau de pluie revient à remplacer une « non consommation » d’eau par une eau non conventionnelle. Si la satisfaction est réelle pour l’usager (jardin fleuri), seul un bénéfice indirect émerge pour l’intérêt collectif (maintien de biodiversité, ilot de fraicheur). L’impact sur la protection de la ressource lui est nul ou quasi-nul. Bien sûr dans les zones non soumises à interdiction d’arrosage, l’impact sur la ressource est positif …….QUOI QUE.


Arroser à l’eau de pluie : un impact limité pour le bien commun même sans restriction d’usage ?

Prenons comme hypothèse un particulier qui possède une maison de 150m2 de toiture (surface projetée au sol). Ce particulier basé en région Toulonnaise installe une unité de valorisation des eaux de pluie pour arroser 400m2 de jardin (massifs fleuris, potager, arbres…). L’arrosage de ce particulier est raisonné car au plus fort de l’été il le limite à 2 litres / m2 / arrosage. Il se limite aussi à 3 arrosages par semaine. La consommation hebdomadaire est donc de (400m2* 2 l * 3 fois) soit 2.400 litres. La consommation mensuelle peut être arrondie à 10.000 litres. Il y a de fortes chances (risques) que les conseils donnés à mon particulier (il faut 3 à 4 semaines d’autonomie) le pousse à investir dans une citerne de 10.000 litres.

Au mois d’avril, lorsque débute la saison de l’arrosage, la cuve de mon particulier sera pleine car remplie tout au long de l’hiver. A la fin du mois sa cuve aura été vidée de 10.000 litres (arrosage du mois d’avril) et se sera rechargée d’environ 4.500 litres = 30mm * 150m2 (pluviométrie moyenne entre avril et août à Toulon * surface de toiture). Du mois de mai au mois d’août la consommation sera toujours de 10.000 litres par mois alors que la récolte mensuelle sera de 4.500 litres (la cuve sera vide en permanence). Sur un besoin de 60.000 litres (10.000 litres * 6 mois d’arrosage) vous aurez au mieux, si votre département, n‘est pas en arrêté sécheresse préservé la ressource de 37.000 litres. Si le niveau des pluies estivales se réduit dans les années à venir à 25mm (au lieu de 30mm), le volume économisé sera de 10.000 (réserve hivernale) + 6 * 3.750 litres = 32.500 litres (au lieu de 37.000 litres). Si dans le même temps mon particulier double sa consommation pour compenser les modifications du climat, son volume d’eau de pluie consommé ne représentera que 20 à 25% de ces besoins.

Le pire est que, si vos eaux de pluie sont habituellement infiltrées sur votre terrain, l’impact écologique sera négatif. En effet, en période de recharge des nappes (automne et hiver) l’eau de pluie qui permet d’alimenter la cuve ne sera plus infiltrée et redirigée vers la nappe.


Rassurez-vous : la récupération d’eau de pluie peut être une solution vraiment performante écologiquement !

Si vous valorisez l’eau de pluie pour des usages qui ne sont pas soumis à restriction d’eau et qui ne sont pas saisonniers, votre impact sur la protection de la ressource sera positif. Une famille de 4 personnes qui alimente ses WC et son lave linge en plus de son arrosage, pourra économiser annuellement jusqu’à 52.000 litres en plus des volumes utilisés pour l’arrosage. Ce volume de 52.000 litres ne sera pas ponctionné dans les nappes phréatiques ou dans le barrage qui alimente la station de potabilisation que nous soyons ou non en arrêté arrêté sécheresse. Cette eau aurait été consommée car non concernée par des restrictions éventuelles. Autre avantage pour vous, votre cuve de récupération d’eau de pluie installation sera moins volumineuse.

Mon point de vue
sur cet article

Discutons de votre projet

Cela fait plus de 15 ans que je préconise la mise en place d’unités de valorisation d’eau de pluie alors je ne vais pas critiquer les bonnes volontés qui investissent dans des solutions récupération d’eau de pluie, au contraire. Cette prise de conscience est bien venue et les impacts directs ou indirects seront forcément positifs. Les sécheresses actuelles et à venir doivent nous obliger à analyser l’impact de nos investissements (surtout si des aides publiques y sont associées). Il ne s’agit pas de céder à des effets de mode et à réaliser (la plupart du temps de bonne foi) du greenwashing.